Tuesday, September 6, 2011

Mitard



"Mon Amour,

C'est elle qui dessine les mots mais c'est moi qui les dis.

[...]

Malgré la multitude des corps qu'il m'a fallut t'offrir et l'or coulant de mon ventre. Malgré toutes ces autres femmes que je me devais également de partager, mes petites soeurs de la nuit, les fiancées du soir, les divorcées du matin, j'aime un voyou qui m'aime comme on vole.
Je sais que tu ne me rendras rien de ce que je t'ai laissé me prendre. Et je suis plus nue qu'une église brûlée.
Va voir Tonio.
J'ai hurlé son nom dans la nuit et le matin n'a pas calmé ma faim.
Et j'ai mal à en crever. Et je crève tant j'ai mal. Quelle que fut l'âcre et entêtante odeur de toutes les sueurs qui se sont mélangées sur ma peau, je ne me suis jamais parfumée que de ta voix.
Putains de pères qui font des enfants aux putains! Et pourtant je t'aime. Du soir au jour, du crépuscule à l'aube, dix minutes toutes les heures, dix heures chaque minute. Je t'aime trop pour te le dire et cependant pas encore assez pour te le cacher."


Mais non je ne pleure pas. Laisse moi Janine. C'est le froid et cette lettre pour Agnès que je n'arrive pas à terminer. Pousse toi, je ne veux pas que tu lises. Ca ne te regarde pas. Tonio. Quoi Tonio? C'est le petit d'Agnès. Moi, si j'ai des gosses? Oui, j'ai des gosses. Recouche-toi, je vais m'allonger à côté de toi et te le raconter. Mais promis, tu n'en parles à personne. Ou je te plante à la prochaine ronde.



-Paroles de détenus, ed. Les Arènes




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